Examinons ensemble comment accepter nos différences en assumant ce paradoxe : nous sommes à la fois tous pareils et tous différent·es. Nous fonctionnons avec les mêmes données de base (un corps, des pensées, des émotions, des comportements, un Système Nerveux Autonome que nous partageons avec les mammifères, des souvenirs, des envies, une éducation, des valeurs profondes, des besoins fondamentaux, etc.) et pourtant nous vivons avec des nuances de fonctionnement qui peuvent amener de fortes différences dans nos vies respectives. Accepter que chacun·e soit semblable en même temps que différent·e – et fonctionne éventuellement différemment de soi – va alors ouvrir un vaste espace de liberté et de responsabilité. Et plus, un monde de tranquillité, voire de joie dans ses relations.
Mon étonnement
J’écris cet article entre autres influencée par trop de violence dont je suis témoin de près ou de loin. Et, en plus de ma tristesse et de ma colère en présence des réactions violentes de mes contemporains (ou de mes propres réactions violentes parfois), je vois bien que je ne comprends pas. Ma question immédiate en face de l’intransigeance qui pousse certain·es à réagir brutalement – voire en prenant les armes, c’est : « mais pourquoi ?? » Bien sûr, je peux comprendre qu’on ait envie de protéger les siens quand on subit une agression – même si je ne crois pas à l’efficacité de la violence en réponse à la violence, en tout cas pas sur le long terme. Mais s’énerver parce que l’autre ne fait pas comme soi ? Cela m’étonne et m’attriste.
Pour moi, tout comportement violent vient de trois choses :
- certains de nos besoins profonds sont insatisfaits
- nous n’avons pas appris à accueillir la différence de façon neutre ou positive
- nous reportons la faute de notre mal-être sur l’autre – alors que la responsabilité d’assurer notre bien-être est profondément de notre ressort – y compris en faisant changer le système si besoin
Donc, plus je vais prendre la responsabilité de satisfaire mes Besoins fondamentaux, plus je vais avoir de facilité à accueillir et accepter les différences de convictions ou de comportements des autres – et éviter ainsi une violence dangereuse.
Accueillir et accepter la différence
Comme abordé dans l’article sur la Curiosité, je crois qu’accepter que l’autre fonctionne différemment de moi et chercher à lui laisser son libre arbitre m’oblige à remettre en question mes automatismes de jugements, d’attendus automatiques, toutes mes évidences en termes de convictions et de comportements.
Si j’arrive à admettre que :
- Chacun·e fonctionne comme iel peut
- Chacun·e comprend / voit les choses à sa façon
- Chacun·e a appris ce qu’iel a appris…
Et si je me rappelle que tout comportement est une recherche (parfois maladroite, voire malvenue dans le contexte) de satisfaction d’un Besoin fondamental (Cf. articles Besoins fondamentaux et Principes collectifs), alors je peux alors réagir en m’intéressant à ce besoin fondamental plutôt qu’en me drapant dans mes évidences sur « ce qui se fait » ; « comment cette personne aurait dû agir » ; « ce qui n’est pas tolérable ! » – et vivre le moment avec plus de fluidité, d’adaptabilité et de justesse.
C’est toute une éducation subtile – une auto-éducation si je suis déjà adulte : reconnaître mes valeurs profondes et ne pas chercher à les imposer aux autres demandes de l’entrainement. Cela demande aussi que je développe ma capacité à être intérieurement tranquille par rapport à ce qui est important pour moi – et ma capacité à garder mon intranquillité* comme moteur pour faire avancer le monde. Être capable de se remettre en question et assurer sa stabilité en même temps : un salvateur exercice de funambule !
Bienfaisante indifférence
Et pourquoi vouloir imposer ma façon de fonctionner aux autres ?
Comme nous avons nos valeurs – pour certaines, puissamment installées -, il nous semble évident que tout le monde devrait vivre comme nous – avec nos valeurs et les comportements qui en découlent.
Si je suis parent, évidemment je vais essayer d’inculquer certaines valeurs à mes enfants à travers l’éducation que je lui donne. Mais – spoiler alert ! – devenir adulte, c’est aussi discriminer à quelles valeurs j’adhère. Donc si je suis un « suffisamment bon » parent, je vais aider mon enfant à apprendre cette compétence : travailler sur ses valeurs, les définir, les remettre régulièrement en question, reconnaître et organiser comment vivre en les honorant. Quitte à ce que mon enfant se choisisse des valeurs différentes des miennes.
Et donc pour l’ensemble de ma présence au monde, le plus efficace est d’essayer ce double mouvement (encore une fois, la curiosité aide !) :
- rechercher les lieux, situations et personnes qui ne heurtent pas trop frontalement mes valeurs profondes : ainsi, je peux développer qui je suis en sécurité, m’épanouir… et en même temps me faire suffisamment bousculer pour continuer à évoluer, apprendre, grandir, changer même.
- garder les yeux ouverts sur ce qui ne me semble fondamentalement pas OK : ainsi, je peux faire des propositions, prendre des initiatives, faire évoluer le collectif (couple, familles, amis, équipe professionnelle, société…). Car encore une fois, reconnaitre et accepter que nous fonctionnons différemment ne veut pas dire que nous devons nous soumettre à ce qui serait toxique !
Et si le 1/ et le 2/ ne sont pas réalistes : je bouge. Je vais voir ailleurs, je cherche un endroit où reconstituer mes forces et recevoir du soutien. Et la démarche est la même pour nos Besoins fondamentaux et la façon de les satisfaire : pourquoi imposer ce qui me convient aux autres ?
Vivre ensemble
Mais si je n’impose pas aux autres de fonctionner comme moi… alors comment organiser la vie collective ? Vous pouvez bien sûr vous référer à mon article Valeurs personnelles, principes collectifs, car une solution idéale, c’est la co-construction de nos règles de fonctionnement communes.
En dehors de cette co-onstruction plus ou moins locale, le vivre ensemble est organisé par le cadre légal, les références communes explicites. En République Française par exemple, nous pouvons nous appuyer sur la Constitution (l’esprit) et les textes définissants ce qui est acceptable ou non (la loi).
Alors, ma responsabilité est de vivre en accord avec l’esprit et la loi du lieu où j’habite – et c’est aussi ma responsabilité de m’impliquer dans l’évolution des lois si les références communes dont devenues toxiques (la désobéissance civique est un concept qui me plaît, et qui ne me suffit pas ! Il faut faire évoluer les textes s’ils gardent des obligations délétères).
Et mes différences à moi ?
Et pour conclure cet article – car je ne peux pas tout développer ici, je voudrais vous inviter à accepter vos différences à vous (et me rappeler de faire de même, pour mes différences à moi…). Vous poser – me poser – régulièrement ces questions :
- En quoi suis-je différent·e de qui j’étais hier ?
- De quelles façons est-ce que je change en fonction des contextes (lieux, situations, personnes, niveau d’énergie disponible, émotions présentes, etc.) ?
- En quoi suis-je différent·e de celleux que je fréquente ?
- Comment communiquer auprès de celleux qui comptent pour moi ? Pour que nos différences deviennent source de compréhension plutôt que d’agacement (ou pire)
Alors, prêt·es à vous intéresser aux différences, à les accueillir, à les explorer ?
* à ce propos, (re)lire Pessoa : Le livre de l’intranquillité
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Crédit photo : diva plavalaguna
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