Qu’est-ce que j’entends par « Bienveillance » ? Cette capacité à « bien veiller » mobilise plusieurs compétences. Peut-être parce que j’ai eu et ai encore besoin de faire des progrès dans ma façon d’incarner mon humanité, peut-être parce que j’ai été toujours sensible à la violence de nos civilisations, peut-être parce que je vois trop de personnes souffrir d’un manque dans nos capacités émotionnelles et relationnelles… cette notion de bienveillance est un sujet majeur pour moi.
Et comme je crois que c’est un sujet qui nous intéresse tous, ne serait-ce que pour améliorer notre capacité à vivre ensemble, je vous propose de l’explorer avec moi aujourd’hui.
Trois compétences et une en plus
Lorsque je veux manifester de la bienveillance, je fais appel à trois compétences de base et j’équilibre ce premier mélange avec une quatrième capacité. En formule mathématique, cela pourrait ressembler à cela :
(Accueil et Acceptation ➕ Curiosité ➕ Tolérance) ✖️ exigence 🟰 Bienveillance durable
Car la bienveillance n’est réelle que si elle est durable. Elle est tangible que si on peut compter dessus dans le temps.
La bienveillance à travers l’accueil et l’acceptation
J’entends par ces deux termes associés la capacité à observer ce qui est et le prendre en considération tel quel. Il s’agit ici de ne pas m’accrocher à ce que je voudrais ou ce que je pense qui devrait être pour pouvoir regarder ce qui est factuellement présent (dans l’environnement comme en moi-même). « C’est cela » ; « Je vois cela » ; « J’observe cela » ; « J’entends cela » ; « Je ressens cela » ; « Telle pensée a surgi dans ma tête », etc.
C’est une façon de voir les choses qu’on met du temps à cultiver. Mais je ne peux pas être bienveillante sans accepter ce qui est. Si je ne lâche pas mes attentes, je suis dans le jugement. Je ne peux pas être dans la bienveillance si je suis dans le jugement.
La bienveillance à travers la curiosité
Cette compétence magnifique me relie au monde et à moi-même d’une façon joyeusement active. Le tout est de me mettre sincèrement en état de recherche d’informations, d’exploration. Comme un anthropologue en présence d’une nouvelle communauté humaine ! Ce n’est pas parce que je connais un mot que je comprends la connotation particulière de ce mot pour mon interlocuteur, les tenants et aboutissants qu’évoque ce terme pour lui ou elle – ni pour moi d’ailleurs, parce que toute notion est évolutive, tout vocabulaire se teinte de nuances émotionnelles qui varient avec les expériences de la vie.
Avec la curiosité, je m’intéresse à ce qui est présent (ce que j’observe, ce que j’entends, ce qu’on me dit) et je manifeste cet intérêt, principalement par des questions ouvertes : « Que me dis-tu quand tu me dis ça ? » ; « Quel sens ce comportement (cette parole…) a pour toi dans ce contexte particulier ? ». Bien entendu, cette curiosité s’exerce aussi envers moi-même : « Comment réagis-je à cela ? » ; « Quelles émotions me viennent ? Quelles pensées ? Quelles envies d’agir ? »
Je suis bienveillante quand je m’intéresse vraiment à l’autre, vraiment à moi, que je suis présente.
La bienveillance à travers la tolérance
Il ne s’agit pas ici du terme « Tolérance » dans le sens de « Soumission » qui lui est souvent attaché (comme dans : « Je tolère ses retards continuels », qui signifie : « Je subis ses retards et m’y soumets »). J’utilise ce terme dans le sens d’une compréhension profonde du fonctionnement humain selon lequel à tout moment, chacun·e fait ce qu’iel peut pour satisfaire ses besoins fondamentaux et honorer ses valeurs profondes*.
Ainsi, je me rappelle que chacun·e fonctionne comme iel peut ; chacun·e comprend et voit les choses à sa façon ; chacun·e a appris ce qu’iel a appris… Cela ne veut pas dire que je dois subir des comportements ou paroles inadéquats ! C’est simplement un renforcement de ma position de non-jugement, un complément utile à l’accueil, l’acceptation et à la curiosité. C’est une distanciation de mon ego qui pourrait facilement prendre personnellement ce qui se passe ou interpréter selon mon histoire ce qui est dit ou fait.
Avec cette tolérance, avec cette conscience que chacun fait comme il peut, mes capacités d’accueil et de curiosité sont plus efficaces et plus puissantes. Je peux ainsi prendre une info plus réaliste et plus complète avant de déterminer les actions que je veux mener. C’est un prérequis de la bienveillance !
Un peu d’histoire personnelle
Comment en suis-je arrivée à m’intéresser aussi concrètement à cette notion de « Bienveillance » ? Mon histoire avec ce concept et les capacités nécessaires à sa mise en œuvre remonte à bien avant que je devienne mère – car devenir mère m’a évidemment fait revisiter plus d’une fois ce qu’était « bien veiller » !
Il y a certainement tout un tas d’explications, de raisons entremêlées…. Parmi elles, je vois deux phénomènes plus particuliers :
- le fait d’avoir été exposée à des comportements de violence dès mon très jeune âge : j’ai observé des personnes qui ne savaient pas faire avec leurs émotions et en arrivaient à « exploser » en ma présence, et semble-t-il j’ai vécu cela très souvent. Ma mémoire – même si en grande partie inconsciente – a enregistré cette capacité de « tension qui mène à l’explosion » comme une caractéristique courante – et dangereuse – de l’être humain
- le fait d’être sortie d’un état dépressif durable – qui s’était cristallisé en un épisode de dépression sévère – par la double décision :
- je choisis de vivre et
- je décide d’être profondément gentille
J’ai délibérément choisi que cela valait le coup de faire l’effort de vivre, si et seulement si j’arrivais à le faire en étant gentille. Il me fallait bien, ensuite, trouver le moyen de mettre en œuvre cette décision. Et comme « être gentille » était trop dépendant du jugement extérieur, je me suis fabriqué ma définition personnelle de la bienveillance – et je travaille encore tous les jours à la mettre en œuvre !
La compétence qui fait la différence : l’exigence
Sans cette quatrième compétence, le mélange que je vous propose des trois premières risque bien de tourner à la complaisance. Et la complaisance est délétère ! Elle est infantilisante, inconsciemment dévalorisante, elle risque ainsi de saboter l’estime de soi de la personne qui la reçoit.
Au contraire, une bienveillance exigeante est un acte de confiance, un catalyseur de compétences, un facilitateur d’auto-responsabilisation, une occasion d’apprendre et de grandir. Appliquer un certain degré d’exigence dans mes relations est selon moi une marque de respect envers les autres comme envers moi-même. (Comment mettre en œuvre cette exigence pourra faire l’objet d’un autre article, dites-moi si cela vous intéresse !)
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Arriver à me comporter en accord avec cette définition est un défi quotidien. Il m’est encore beaucoup plus facile d’être bienveillante avec les autres – et pas assez avec moi. Qu’en est-il pour vous ? Cette définition vous aide-t-elle ? Vous voyez-vous, grâce à ces réflexions, plus à même d’être concrètement bienveillant.es dans vos réalités quotidiennes ? Et peut-être avez-vous une autre définition de la bienveillance ?
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* conviction intime que l’on retrouve entre autres dans les 5 Accords Toltèques (Raoul Ruiz) sous la forme « Fais toujours de ton mieux », sachant que notre mieux change d’instant en instant, ou dans la Programmation Neurolinguistique (John Grinder et Richard Bandler) sous la forme du présupposé : « Tout comportement est motivé par une intention positive »
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Crédit photo : Julia Larson
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