loader image

Cégéka Développements

« L’accusé de réception », un outil de communication précieux

Pour faire suite aux articles sur la bienveillance et sa nécessaire (à mes yeux) exigence, je vous présente un « outil » de communication qui me semble vital pour établir des relations de qualité, saines et durables. Un « outil » que j’aurais voulu que mes parents apprennent à l’école et utilisent entre eux et avec leurs enfants ! En fait, mes parents et tous les parent·es, ami·es, collègues… tous les humain·e·s ! Un « outil » que j’ai retrouvé, avec un réel étonnement et une satisfaction profonde, au cœur de la Communication Non-Violente du Dr Rosenberg. Explorons-le ensemble.

« L’accusé de réception » en communication, c’est quoi ?

Quand je me suis formalisé cet « outil », je l’ai appelé : « l’accusé de réception ». Évidemment, il ne s’agit pas du petit papier jaune de La Poste qui signale que nous avons reçu une lettre recommandée. Mais c’est le même principe ! Il s’agit d’un moyen de communication qui indique clairement que nous avons entendu, vraiment entendu, ce que la personne qui nous parle exprime – ou, quand il s’agit d’un auto-accusé de réception, ce que nous nous exprimons à nous-même.

La structure de « l’accusé de réception »

« L’accusé de réception » est une reformulation en deux parties du discours entendu. Il permet de clarifier ce que la personne a exprimé en mettant le doigt sur l’émotion / les émotions ressentie/s et sur les raisons pour lesquelles cette/ces émotion/s se sont présentées. Il peut tenir en une phrase ou deux, et nous demande de :

  • (Identifier et) nommer l’émotion ressentie par la personne (colère, peur, tristesse, frustration, déception, etc.) – en tout cas l’émotion probable de la personne (ou les deux émotions probables les plus importantes, il y a souvent des cocktails émotionnels !)
  • (Identifier et) nommer les raisons profondes (probables) de l’émergence de l’émotion (l’émotion est présente parce que… quel enjeu ? en lien avec ses besoins fondamentaux et valeurs profondes

Exemple :

Mon collègue déboule dans mon bureau en grommelant fortement, et me lance : « Je n’en peux plus de Untel – manager, il n’écoute pas !! Cela fait 20 fois que je vais lui proposer telle solution sur tel dossier, il n’en fait rien !! »
Je lui réponds :
« Woaw ! Cela fait longtemps que je ne t’ai pas entendu fulminer ainsi ! En même temps, je comprends que tu te sentes frustré, c’est tellement important pour toi de faire avancer les choses ! »

Il y a des chances pour qu’un tel « accusé de réception » soit le début d’un dialogue qui pourrait prendre la forme suivante :
– (Mon collègue) : Oui, absolument, j’en ai vraiment marre ! Punaise, pourquoi ne veut-il pas m’écouter !? (la frustration est encore très forte)
– (Moi) : Je ne sais pas… mais toi, tu veux que ce dossier avance et tu vois cette solution… alors comment veux-tu t’y prendre ? (nommer la valeur – ici « efficacité » ou « conscience professionnelle » -, et responsabiliser sur les options à envisager)
– Mais je n’en sais rien, il n’écoute pas ! (la frustration est un peu plus douce, parce que la personne est reconnue dans ce qu’elle expérimente)
– Et cela te met en rage… (nommer l’émotion – ici la rage est l’intensification de l’émotion de frustration)
– Mais bien sûr ! Cela traîne depuis si longtemps !! (regain de frustration puisque rappel de ce qui ne fonctionne pas)
– Tu es profondément frustré… (rappel de l’émotion ressentie)
– Mais oui, bon sang !! (reconnaissance de l’émotion vécue dans cette situation : c’est exprimé fortement, mais cela se calme à l’intérieur)
– Parce que communiquer avec lui ne sert à rien ? (rappel de ce qu’il a nommé qui ne parche pas)
– Mais oui !! (idem, reconnaissance et auto-reconnaissance)
– Donc… comme ce que tu veux, c’est que cela avance, et que « communiquer avec lui ne sert à rien », comment veux-tu t’y prendre ? (rappel de la valeur « efficacité » ou « conscience professionnelle », prise en compte de son point de vue sur la situation, responsabilisation sur les options à envisager)
– Mais je n’en sais rien ! (reconnaissance de son ressenti d’être démuni)
– Tu veux qu’on en parle ? Là, je dois terminer un truc, mais on pourrait déjeuner ensemble ? (proposition de soutien, une fois que la personne s’est sentie réellement accueillie dans ce qu’elle est en train de vivre)

Pourquoi utiliser un tel outil dans sa communication ?

Parfois la personne ne peut calmer son pic émotionnel tant qu’elle n’a pas, profondément, l’impression d’avoir été entendue : être accueilli·e et reconnu·e sans jugement dans ce que nous expérimentons (donc dans nos mouvements émotionnels et dans les raisons de leur survenue) fait partie de nos Besoins Fondamentaux. C’est même l’un de nos premiers besoins, proche – voire confondu avec – de notre besoin d’être aimé·e. (Et s’est la même chose pour notre monologue interne !)

« L’accusé de réception » permettra de passer à l’étape suivante (dialogue, réflexion stratégique, recherche de solution…) puisque la personne aura retrouvé sa disponibilité, sa connexion à ses ressources internes.

Permettre ce temps d’accueil et de reconnaissance est nourrissant et libérateur. C’est aussi extrêmement responsabilisant : avec cet outil, nous ne cherchons pas à résoudre les problèmes de la personne à sa place. Nous faisons preuve d’une bienveillance confiante : la personne va trouver son meilleur chemin par elle-même – quitte à nous demander de l’aide, quand elle y sera prête. Et c’est tout aussi vrai quand la personne en question est nous-mêmes : une fois que nous nous sommes accueilli·e dans ce que nous traversons, nous pourrons faire appel à nos ressources – internes et externes.

Précautions à prendre

En présence d’une personne combinant beaucoup d’énergie et une forte tendance à l’action, l’utilisation de « l’accusé de réception » nécessite une attention particulière.

En effet, ces personnes peuvent facilement entendre ce retour comme une communication qui retourne le couteau dans la plaie. Car accueillir, recevoir, reconnaitre, sans chercher à apporter quelque solution que ce soit vient à rebours de leur compulsion à agir. Très souvent, ces personnes font preuve d’une grande sensibilité, d’une forte réactivité émotionnelle. Et elles n’ont que trop rarement appris à écouter leurs émotions comme source d’informations : foncer vers une action pour résoudre l’inconfort d’une émotion désagréable, voire très désagréable, est souvent le seul moyen qu’elles connaissent pour se sortir des situations à forte charge émotionnelle.

« L’accusé de réception » qui, comme on vient de le voir, responsabilise la prise en charge de nos processus émotionnels, forme alors un rappel très désagréable de cet apprentissage encore à améliorer : les émotions sont à ressentir et à utiliser pour mieux piloter nos actions et notre vie. Quand on se sent démuni vis-à-vis de cette responsabilité, on a tendance à s’énerver quand l’autre nous permet de nous asseoir avec ces trop-pleins pour les utiliser au lieu de les subir – ou au lieu de s’enfuir en passant à l’action.

Nous devrions alors, dans un premier temps, réduire « l’accusé de réception » à sa portion congrue. Selon la sensibilité de la personne :

  • reconnaitre et nommer l’émotion OU reconnaitre et nommer ce qui est important pour elle
  • enchaîner en posant des questions orientées « recherche de solution ».

En tant que formatrice, coach et thérapeute, je vois cela dans une démarche pédagogique : à terme, je rêve que la personne sache utiliser ses émotions comme des alliées, comme une source vitale et salvatrice d’informations pertinentes… mais ce ne sera possible que si ladite personne s’engage dans cette voie. En attendant, je fais attention à mes « accusés de réception » et les propose en version allégée.

Un autre type de personne nécessite une attention particulière. Celles qui ont vécu des relations hautement toxiques et/ou les personnes qui n’ont jamais connu de relation / environnement sécure. Le principe est globalement le même, « l’accusé de réception » peut-être trop activant, un stress pour le Système Nerveux qui ne comprendrait pas cette attention et tirerait immédiatement la sonnette d’alarme. Ces cas sont plus rares, « l’accusé de réception » est généralement d’un grand soutien, mais il est bon de le savoir.

Un autre piège courant

Pratiquer « l’accusé de réception » est souvent plus délicat aussi avec les personnes qui nous touchent. Parents, enfants, proches : nous avons tendance à vouloir soulager rapidement le mal-être de nos aimé·es… Nous avons alors nous-mêmes une réaction du type : « trouver rapidement une solution !! » qui nous pousse à proposer une action, donner un conseil, rassurer par des « ce n’est pas grave », « tu vas t’en sortir »… en espérant donc soulager la personne – ou en espérant nous soulager nous-mêmes de notre inconfort devant l’émotion ressentie par cette personne.

Au lieu de faire un « accusé de réception » qui lui permette de prendre le temps d’analyser son processus émotionnel et d’en tirer les meilleures actions à ses yeux et leur planning réaliste… nous fonçons dans les options à mettre en œuvre sans savoir si ce sont les plus pertinentes – et sans avoir accueilli la personne dans ce qu’elle est en train d’expérimenter. Respirer et réguler notre Système Nerveux Autonome en présence d’émotions actives et activantes va être une aide précieuse – et l’objet d’un autre article.

Cet article vous donne-t-il envie de vous entrainer aux « accusés de réception » ? D’en formuler pour d’autres ? D’être accueilli·e de cette façon quand vous vivez une émotion un peu forte ?

Plus d'articles

Ma vision de la bienveillance est souvent surprenante pour mes patient·e·s et client·e·s. Quelles sont les compétences qui font vraiment la différence ? Voici ma définition

Dans un monde idéal, nos relations sont synonymes de sécurité et d’épanouissement. En réalité, nous expérimentons parfois des relations difficiles… Comment les reconnaître ?

Crédit photo : Julia Larson

 

Partager ce contenu :