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Cégéka Développements

Leadership humain : les chevaux, nos enseignants

Quand nous prenons une initiative et voulons entraîner les autres avec nous, nous pouvons parfois nous sentir démuni·es. Comment inciter les autres à nous suivre ? Et, mieux encore, comment créer les conditions pour que les autres se sentent motivé·es et autonomes pour nous accompagner dans notre mouvement, voire en prendre le relais ?

Que nous soyons parents, managers, chefs de projets, membres d’une association, militants, grands frères audacieux ou cousines débrouillardes, comment exercer un leadership efficace, respectueux de nous-mêmes et des autres, durable et peut-être même plaisant ?

Aujourd’hui, je vous propose de vous laisser inspirer par la manière dont les chevaux agissent entre eux et avec leur environnement. Et si les chevaux étaient ceux qui pouvaient nous enseigner un leadership véritablement humain ?

Un leadership « consensuel »

Les chevaux exercent ce que Linda Kohanov¹ appelle « un leadership consensuel ». Ce qui peut se définir comme un leadership dans lequel la position « d’initiateur de mouvement » n’est pas fixe : cette position est fluctuante, elle dépend du contexte. Dans la nature, les chevaux n’ont pas de système hiérarchique rigide, ils organisent leurs relations en fonction de la situation et de l’expérience des individus impliqués. Ainsi, un cheval dit « dominant » peut être le premier à mettre le nez dans le foin… et suivre le mouvement quand une jument d’expérience décide qu’il est temps de changer de pâture ou de se diriger vers la rivière.

De plus, pour qu’un cheval soit suivi (ou pour que ses compagnons cèdent à sa pression), il faut que le troupeau lui reconnaisse une forme de fiabilité : des compétences venant de l’expérience, un certain calme et une cohérence dans la proposition, etc. sinon ce cheval verra son initiative boudée par ses congénères, qui continueront à s’occuper comme ils en ont envie.

Inspirons-nous de cette « intelligence consensuelle » pour attribuer de l’attention aux projets que l’on nous présente : est-ce que la personne qui nous demande de bouger est fiable ? Est-ce que son assertivité, calme, persévérance et compétence, nous donne envie de nous mettre en mouvement ? L’autorité – d’ailleurs temporaire – est une résultante de la décision collective : OK, on y va.

Car les chevaux savent que ce qui caractérise un « leader », c’est le fait que des « suiveurs » ont décidé que l’initiative proposée était assez intéressante pour y adhérer. Sinon, c’est juste un individu qui avance tout seul…

Un leadership « non-prédateur »

Depuis Darwin² et Kropotkine³, l’observation des dynamiques relationnelles des
communautés animales reconnaissent l’importance de la coopération. En tenant compte de ces théories, Linda Kohanov propose de formaliser les modes d’action des animaux en deux catégories : prédateur et non-prédateur.

  • Le mode d’action prédateur est celui qui est mis en œuvre avec une intention de bénéfice direct pour soi (et tant pis pour les autres), au risque de détruire la source du bénéfice acquis. Ce mode d’action est donc un mode d’action destructeur (au minimum destructeur de la qualité de la relation)
  • Le mode d’action non-prédateur est celui qui est mobilisé quand le bénéfice pour soi est recherché dans le respect d’un équilibre : le système plus large est pris en considération et honoré (la source du bénéfice, les autres bénéficiaires potentiels, etc.)

Inspirons-nous des chevaux pour agir entre nous avec cette forme de pouvoir non-prédateur et créer les conditions des relations durables : des relations où se respecter et initier des projets serait compatible avec le respect de l’autre, de la relation et de l’environnement.

Car les chevaux savent que ce qui permet une bonne vie dans la durée, ce sont :

  • des relations sécures dans lesquelles chacun peut exister pleinement : les chevaux prennent position dans une relation avec des signes clairs et directs, et s’ils s’affirment parfois brutalement, ils ne manifestent pas de pulsion de mise à mort
  • des actions qui sécurisent aussi l’environnement physique à long terme : les chevaux, nomades de nature, prélèvent ce qui leur est utile et ne reviennent sur un terrain que lorsque celui-ci a reconstitué ses réserves et peut les nourrir à nouveau sans s’épuiser

Un leadership multiforme et contextuel

Je reviendrais dans un futur article sur les « 5 rôles » par lesquels s’exprime le leadership non prédateur. Ce que je veux souligner ici, c’est la nécessité de développer chez nous une double capacité de fluidité :

Une fluidité dans la mobilisation de nos compétences en fonction du contexte

En tant que chef d’équipe, parent, militant, quel niveau d’énergie dois-je déployer ? Quel mode de communication privilégier ? Quelles compétences mettre en œuvre ? Tout dépend du contexte !

En fonction des personnes concernées, en fonction de l’historique de la relation, en fonction des enjeux dans la situation… nous devons mobiliser certaines façons de faire plutôt que d’autres, adapter nos discours pour être entendu·es, nos actions pour être efficaces. En termes de leadership, nous devons nous entrainer à passer de l’un des « 5 rôles » à l’autre, quitte à être persévérant·e en allant puiser dans les ressources de l’un de ces rôles après l’autre.

Une fluidité émotionnelle

Nous nous devons de reconnaitre les émotions que nous ressentons et les utiliser comme source d’informations plutôt que de subir nos émotions. Grâce aux émotions, il nous faut discerner ce qui est important pour nous et agir en conscience plutôt que par automatismes. Le goal est de revenir vers la joie calme que peut être la satisfaction, et profiter de nos journées… plutôt que de ruminer ou de scénariser des films catastrophe !

Inspirons-nous de la recherche de pertinence de réaction des chevaux et de leur « agilité émotionnelle »⁴ pour ajuster nos comportements et nos paroles quand nous voulons que les autres adhèrent à nos initiatives.

Car les chevaux savent que ce qui génère une motivation intrinsèque, c’est l’association, chez l’individu qui initie un mouvement, de :

  • la clarté de son intention
  • l’ajustement de ses propositions, équilibré par l’éventuelle persévérance
  • la cohérence de ses actions avec ses motivations profondes internes. C’est ce qu’on appelle « l’alignement »

J’entends souvent que ce genre de leadership est critiqué parce que « trop soft ». Et ça me fait bien rire ! Ce n’est pas parce que nous sommes « consensuels », « non-prédateurs », « adapté·es au contexte » que nous sommes des bisounours ! Nous sommes bien loin des “10 qualités d’un leader parfait”. Au contraire, nous développons ici un leadership exigeant parce que réaliste, responsabilisant, authentique et durable.

Et vous, vous sentez-vous plus à l’aise dans votre position de leadership ? Est-ce que cette notion vous a inspirée ? Ce sont bien sûr des compétences qui peuvent prendre du temps, mais elles vous changent la vie une fois intégrées !

¹ Linda Kohanov : pionnière de l’accompagnement facilité par le cheval, créatrice de l’approche Eponaquest®, auteure entre autres de Pour un leadership socialement intelligent – les 5 rôles d’un Maître berger

² Charles Darwin a publié L’Origine des espèces en 1859, et sa théorie de la sélection naturelle comme ferment de l’évolution des espèces n’a commencé à être reconnue qu’à partir des années 1930

³ Pierre Kropotkine, géographe, anthropologue, théoricien du mouvement anarchiste, a voulu vérifier les théories de Darwin sur l’évolution des espèces et a organisé pour cela une exploration en Mandchourie. Il en est revenu avec, entre autres, de quoi écrire L’entraide, un facteur de l’évolution des espèces (publié en 1902) – Pierre Kropotkine soutient que l’entraide (la coopération et l’aide réciproque) est la première dynamique relationnelle des communautés (animales ou humaines) durables

⁴ formalisation proposée par Linda Kohanov pour définir les 4 étapes du processus d’intelligence émotionnelle des chevaux

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Crédit photo : Marcus Aurelius, Vlada Karpovich

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