La semaine dernière, je vous proposais d’explorer le processus de la guérison. Pour aller plus loin, cette semaine, nous nous penchons sur cette réalité qui nous étreint dans certaines périodes de nos vies : le fait même d’aller mal.
Reconnaître la douleur
Les petits bobos du quotidien et les grandes peines des épreuves de nos vies se manifestent de la même façon en nous : une douleur. Une douleur plus ou moins intense, une douleur plus ou moins durable, une douleur que nous vivons comme plus ou moins supportable, et cependant toujours une douleur.
Pourquoi avoir mal ? D’un point de vue métabolique, la douleur est – comme toutes les sensations d’ailleurs ! – un signal de notre corps pour que nous fassions attention à quelque chose. Ressentir une douleur – qu’elle soit physique ou d’un autre ordre – est donc paradoxalement une bonne nouvelle ! Cela veut dire que notre signal d’alarme interne fonctionne. Une fois la douleur repérée et entendue, nous pouvons prendre en charge la ou les action(s) à mener pour aller mieux.
Reconnaitre et écouter que nous avons mal est la première compétence à développer. Pas écouter pour se plaindre ou se faire plaindre – même si parfois, nous aimons profiter de cela un temps ! –, mais bien écouter pour comprendre, pour mesurer, pour constater ce qui est. Une fois la mesure du mal constatée, nous allons pouvoir regarder quelles solutions mettre en place, quelles actions correctrices mener. Cela nécessite un certain courage et une tolérance ponctuelle à la douleur, oui. Mais cette attention curieuse à ce qui nous est douloureux, voire très inconfortable, voire extrêmement pénible, est la première étape à franchir pour pouvoir passer à la suite du processus et revenir au bien-être et à différentes formes de joie.
Éviter la souffrance
Faire ces constats et commencer le chemin de retour au bien-être – en intégrant si nécessaire un processus de guérison – nécessite que nous ne rajoutions pas de la douleur à la douleur. C’est là que se crée la souffrance : en surajoutant de la douleur psychique à toute douleur ressentie, qu’elle soit physique, émotionnelle, relationnelle ou autre.
Ce comportement est trop courant chez chacun de nous. Nous avons tendance à partir dans des automatismes de pensées, de jugements, de prises de position vis-à-vis de ce qui se passe et/ou de la douleur ressentie. Typiquement, nous pensons au minimum : « je ne veux pas avoir mal ! ». Parfois, nous jugeons : « je ne devrais pas avoir mal ! », « je suis plus fort·e que ça », « c’est la faute d’untel » ou « cette douleur/cette peine devrait déjà avoir disparu ! » Ces automatismes sont délétères. Classiques, habituels, compréhensibles, certes, mais délétères. Ne parlons même pas des « c’est normal/nécessaire/ de souffrir » !
Écouter la douleur pour ce qu’elle est – un signal à prendre en considération – et rester en mode « constat » ou « observation factuelle » n’est pas une chose facile. Mais c’est une façon de réagir nécessaire qui s’apprend, une compétence vitale qui se développe. Et quand nous sommes capables de mettre en œuvre cette capacité, nous reprenons puissance et efficacité dans le traitement de nos douleurs.
Accepter la réalité
Aller mal fait partie de notre expérience. « La vie n’est pas un long fleuve tranquille » ; « C’est par les épreuves que nous nous renforçons »… ces adages nous rappellent sous forme de clichés ce qui est pourtant vrai : pour développer nos compétences, nous avons besoin de petits défis. Nous devons aller à ce que les adeptes de la musculation appellent « la limite de l’échec musculaire » : quand l’effort demandé est juste au-dessus de ce que le muscle est capable de réaliser, alors de micro-fibres musculaires cassent. Et c’est en les réparant que le muscle se consolide. De même pour les os : les impacts d’un certain niveau de choc – comme ceux dus à une course à pied – créent de micro-fissures dans le tissu osseux. Et c’est en réparant ces micro-fissures que les os se renforcent (donc courez un peu pour éviter l’ostéoporose !).
Accepter que nous passerons de toute façon par des moments difficiles, que c’est une réalité inéluctable, va nous permettre d’éviter une grande partie de la souffrance évoquée précédemment.
Et accepter que c’est même en apprenant à faire avec cette réalité que je développerai des compétences indispensables pour bien vivre ma vie, c’est accéder à un niveau supérieur : une liberté, une fluidité, une efficacité plus disponibles dans ma gestion de la douleur.
La relation que nous recherchons ici est une relation soutenante et sécurisante. Ce peut être avec un spécialiste de la santé comme avec un proche, et grâce à cette relation, nous pouvons traverser les différentes phases de la guérison plus sereinement.
Prendre son temps
Le temps de constater le mal, le temps de s’en occuper, c’est OK que ce ne soit pas OK.
Pendant plus ou moins longtemps en fonction du contexte, c’est OK que ce ne soit pas OK.
En m’arrangeant pour prendre soin de moi et de ma vie le temps que cela dure, c’est OK que ce ne soit pas OK.
Ainsi, ma capacité de guérison reste vive et active : je reconnais que tout n’est pas « en santé » (comme disent nos amis canadiens). J’accepte qu’il est possible que cela change – au moins suffisamment pour que l’accès à la joie et au bien-être soit à nouveau envisageable. Et avec le soutien qui me sera nécessaire, bien sûr !
Oser aller mal, et profondément accepter que ne pas aller bien n’est pas une tare, c’est éviter des années de luttes internes. Des années de souffrance et de difficultés qui peuvent, à terme, vous faire couler. Oser aller mal, c’est la porte ouverte vers la vie vécue et non survécue que vous méritez !
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Crédit photo : Andrea Piacquadio, Liza Summer
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