Au-delà de la supervision (dont nous avons parlé dans un précédent article), il est précieux que les accompagnants se fassent accompagner.
La plupart des personnes qui choisissent d’accompagner d’autres personnes possèdent une sensibilité particulière. Que l’on soit infirmier/infirmière, thérapeute, masseur ou masseuse, ou encore médiateur/médiatrice ou avocat.e… on cherche à ce que nos actions servent aux autres, leur fasse du bien.
Et parfois – très souvent, cette recherche de « servir » (être utile, contribuer à…) peut nous emmener dans des pièges aux conséquences douloureuses pour nous et/ou pour les autres.
Les pièges les plus courants
En tant qu’accompagnant.e, avez-vous déjà rencontré l’un ou plusieurs des pièges ci-dessous ?
- Fatigue compassionnelle : je manque d’empathie, de compassion, de compréhension à force de ne plus avoir d’énergie disponible (énergie physique et/ou émotionnelle)
- Manque d’ouverture sur de nouvelles techniques, approches, compétences : je m’appuie sur ce que je connais et n’explore pas les nouveautés
- Manque de plaisir : je perds l’enthousiasme pour mon métier, je me sens fatigué à l’idée même de réaliser les activités de mon métier (ou certaines activités majeures de mon métier)
- Isolement : je travaille seul.e (ou uniquement avec les mêmes personnes) et mon champ social se réduit
- Installation de certitudes : je crois que j’ai raison, que j’ai tout compris ; je ne remets pas en question ma pratique, mes certitudes sur mon métier, mes clients et patients, les raisons pour lesquelles ils viennent me voir
- Éloignement de l’éthique : souvent corrélé aux certitudes, parfois aussi associé à une ambiguïté, un petit arrangement (pour faire plaisir, pour gagner du temps, pour ne pas déranger, parce que ce n’est pas bien grave…)
Comment éviter ces pièges ? L’importance d’un système de soutien
D’après mes statistiques (purement personnelles !), globalement, je vois que les accompagnant.es doivent apprendre à prendre soin d’eux. Généralement, celles et ceux qui ont mis en place un équilibre qui les soutient sont des personnes qui ont expérimenté les conséquences des pièges cités ci-dessus. Notre volonté de bien faire (et de bien faire pour les autres) peut si facilement nous amener à nous oublier qu’il nous faut un choc, et/ou de graves répercussions pour nous faire prendre conscience de l’urgence de réajuster nos modalités d’actions.
Nous oublions trop souvent qu’accompagner, c’est travailler avec notre personne comme premier « outil professionnel ». Il nous faut prendre soin de nous personnellement pour pouvoir être disponible et efficace professionnellement. Il nous faut donc organiser notre système de soutien personnalisé.
Pour qu’un système de soutien soit efficace, il est utile de coordonner :
- Une présence affective accueillante : des proches (amis, familles, collègues…) qui nous écoutent sans nous juger ni chercher a priori des solutions pour nous, même si nous évoquons des difficultés ; des personnes qui cherchent à comprendre ce que nous sommes en train d’expérimenter et comment nous en sommes impacté.e
- Une ouverture sur le monde : nous sortons de notre bulle, nous découvrons de nouvelles techniques dans notre métier… ou une œuvre d’art qui nous bouleverse
- Une exigence qui nous respecte : nous pouvons compter sur des personnes de confiance pour nous signaler ce qu’il faut que nous rectifions, que nous fassions évoluer ou changer
- Du temps de sommeil en quantité et qualité suffisantes : en fonction de notre métabolisme, de nos activités… /li>
- Une alimentation qui nous corresponde (et corresponde à nos activités)
- Des activités « gratuites » : même dans le champ professionnel, des activités qui ne soient pas associées à la production d’un résultat direct (ou dont le résultat pourra être, tout simplement, le plaisir d’être vivant)
- Un soutien logistique disponible : si besoin, quelqu’un peut faire telle ou telle chose à ma place (amener les enfants à l’école où aller les chercher, s’occuper de la mise à jour de mon site Internet, relire un document…)
- Des activités physiques régulières : une façon qui nous plaise de faire bouger notre corps, d’éprouver le vivant en mouvement et en action (et de faire circuler le sang et le reste…)
Concrètement, sous quelle forme ?
Bien sûr, chacun.e trouvera sa propre façon d’organiser ce système de soutien. Chacun.e repérera ses propres signaux d’alerte concernant ses possibles vacillements : les moments où nous percevons que nous nous approchons de l’un des pièges.
La difficulté de ce repérage est que nous pouvons nous approcher insidieusement de l’un des pièges, et que leur « danger » est cumulatif : si nous approchons trop de l’un, il est encore plus facile de tomber dans l’autre !
Il est alors bon de pratiquer une supervision régulière (comme déjà évoqué), mais aussi de participer à des échanges et partenariats avec des collègues ou des personnes dont l’expertise pourra venir compléter la nôtre.
De se former, encore et toujours, et pas obligatoirement sur notre métier même ! Beaucoup d’accompagnants accumulent les formations, compétences, techniques… au détriment de la maîtrise de certaines pratiques et surtout au détriment d’un travail sur leur présence et leur posture, qui sont pourtant les fondements de leur efficacité.
D’écouter nos clients et patients, de les questionner sur ce qui leur convient et ce que nous pourrions faire différemment.
De prendre des vacances ! Et respirer en général : prendre ses week-ends, des jours dans la semaine, etc.
Et vous, comment vous faites-vous accompagner ?
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